Quelques notes sur Dom Juan, de Molière

Dom Juan, Molière, 1665

Objet d’Étude : Théâtre, texte et représentation

Problématique :  

S’interroger sur l’entre-deux au théâtre 

Questions fréquentes :

  • Esthétique baroque, esthétique classique dans Dom Juan.
  • Dom Juan, une tragédie ou une comédie ?
  • Dom Juan, un mythe littéraire.

Don Juan : un mythe littéraire

  • A l’origine du Mythe de Don Juan : la pièce de Tirso de Molina publiée en 1630, L’Abuseur de Séville; le contexte : Espagne catholique avec une cour brillante mais parallèlement l’Inquisition et une censure sévère ; un contexte donc propice aux thèmes de la transgression et de la répression. Il s’agit ainsi à l’origine d’un drame espagnol et religieux : montrer l’offense et sa réparation, le crime et sa punition (Don Juan Tenorio finit en Enfer).
  • Entre Tirso de Molina et Molière, plusieurs versions italiennes et françaises assurent la diffusion du mythe. Retenons notamment la version de Villiers (1659), portant titre Le Festin de Pierre ou le Fils criminel.( personnage de DJ plus négatif)

Le Dom Juan de Molière s’inscrit donc dans une tradition. Mais il s’inscrit aussi dans la carrière de l’auteur.

1664 : Tartuffe (qui dénonce l’hypocrisie religieuse et met en scène des faux dévots) est interdit et l’argent manque. Peu après, Molière s’empare alors du Dom Juan et va en proposer finalement la version peut-être la plus accomplie et la plus profonde.

  • Première représentation : 15 février 1665. Molière interprète le rôle de Sganarelle. Bon accueil. Mais le parti anti-Molière ne désarme pas : malgré le succès, il obtient des coupures à partir de la 2ème représentation (notamment la scène du Pauvre) et le retrait de la pièce le 20 mars suivant.
  • La pièce est publiée uniquement en 1683 à Amsterdam, et dans son texte intégral en France uniquement en 1819. La pièce est représentée jusqu’au XVIIIème siècle dans une version très édulcorée de Corneille (en vers). Certes, Dom Juan meurt par le feu, mais il défie sans cesse la religion. La réception de Dom Juan fut donc parfois hostile. Certains passages sont censurés : suppression de répliques dans la scène du pauvre (III, 2), dans la scène relative aux superstitions de Sganarelle (III, 1) ou encore dans les scènes concernant le point de vue religieux de Don Juan.

Contexte religieux : Querelle vive entre Jansénistes et Jésuites

Lutte entre les jansénistes (l’Augustinus, de Jansen, 1640, qui renforce l’austérité des idées de Saint Augustin) ( abbaye de Port Royal) et les jésuites qui refusent la théorie de la prédestination de la grâce admise par les jansénistes selon les lesquels, seule la grâce, qui n’est accordée qu’à quelques élus, peut soustraire les hommes à l’influence des plaisirs terrestres pour qu’ils puissent obtenir leur salut. Les jésuites estiment que les jansénistes favorisent le libertinage.

– le jansénisme est condamné par le pouvoir royal (destruction de Port Royal par Louis XIV) et par le Pape.

> Molière s’attaque donc à des sujets très sensibles.

Le Libertinage : attention à cette notion

Courant qui cherche à s’affranchir de la pensée religieuse > libres-penseurs. En ce sens, les libertins annoncent les Lumières (prédominance de la raison, de la liberté de pensée..)

Jusqu’à la moitié du XVIIème siècle, le libertin désigne un homme qui rejette les croyances de son temps et refuse les contraintes de la religion chrétienne. Le libertin ne croit ni en l’éternité de l’âme ni en l’existence d’un Dieu rémunérateur et vengeur. Le libertin prône la supériorité de la loi de la nature sur la loi humaine ou divine : il se caractérise donc par son inconstance et légitime toute forme de jouissance (le péché n’étant qu’une inclination naturelle). Epicurien, le libertin est considéré comme un débauché car la liberté de pensée est rapidement associée à la liberté de mœurs.

A partir du XVIIIème, le libertin est essentiellement un libertin des mœurs (cf Les Liaisons dangereuses de Laclos avec le personnage de Valmont).

Évolutions : Dom Juan, après Molière

La critique a retrouvé plusieurs Don Juan allemands et hollandais du XVIIIè. L’Europe entière, et non plus seulement latine, s’empare donc du mythe. Mais il s’incarne essentiellement dans la version proposée par Mozart : L’opéra de Mozart, Don Giovanni, 1787 sur une livret de l’abbé Lorenzo da Ponte.

Le Dom Juan de Molière ne retrouvera une véritable audience qu’au XXème siècle, notamment grâce aux mises en scènes de Louis Jouvet (1947) puis de Jean Vilar (1952). Autres mises en scène :

* Patrice Chéreau, 1969

* Vitez, 1978

* Cinéma : Marcel Bluwal (1965); Jacques Weber (1998).

+ poème de Baudelaire : à (re) lire !

BILAN : DOM JUAN, UN MYTHE LITTÉRAIRE 

< Muthos : fable, récit (qui s’oppose au logos : discours raisonné). Nous pouvons retenir la définition proposée par G Durand : « Le mythe est un système dynamique de symboles qui tend à se composer en récit » (in Les structures anthropologiques de l’imaginaire).

Dom Juan peut être considéré comme un mythe littéraire. Il parvient à s’émanciper de son auteur et voyager d’un texte à l’autre car c’est un personnage pluriel et énigmatique. Il parvient à dépasser le contexte initial du XVIIème siècle pour accéder à l’universel et devenir un personnage intemporel.