Antigone a encore son mot à dire.
Anouilh avait représenté son Antigone en 1944, sous l’Occupation allemande. Dans le Quatrième Mur, le dernier roman de Sorj Chalandon paru l’été dernier aux éditions Grasset, le narrateur, Georges, nourrit le fol espoir de voir les acteurs de la guerre du Liban devenir les acteurs de cette tragédie : une manière de « donner à des ennemis une chance de se parler ».
Antigone, « la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien », celle qui dit non en réalité, sera Palestinienne. Le fiancé d’Antigone, Hémon, celui qui ignorait « qu’il ne devrait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre », sera Druze. Quant à celui qui « joue au jeu difficile de conduire les hommes », le roi Créon, il fallait qu’il soit Maronite, tout comme les gardes devaient être Chiites.
Voilà l’histoire du mythe grec représenté au coeur de la guerre du Liban, à Beyrouth. L’utopie d’une trêve de deux heures.
À la lecture de ce roman saisissant, aux scènes parfois très violentes, on ne peut que repenser aux propos de Jean Anouilh : « C’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir ».
Mais je songe également aux témoignages de certains déportés, et notamment à Robert Antelme, expliquant combien il était difficile de revenir à une vie normale. Ce qui frappe en effet dans ce roman est bien l’incapacité du narrateur à quitter la guerre. Des pages terrifiantes où l’on constate que l’amour d’une petite fille de trois devient un fardeau face aux souvenirs des massacres du camp de Chatila.
À lire…